L'économie suisse face aux turbulences commerciales internationales
La croissance mondiale reste fragile et les perspectives laissent envisager une chute de celle-ci à son niveau le plus faible depuis 2008. Le dernier rapport de la Banque mondiale dresse une révision à la baisse des prévisions pour près de 70% des économies du globe. La croissance mondiale devrait se limiter à 2,3% selon les estimations, soit une valeur inférieure aux projections de début d’année qui situaient la croissance mondiale à 2,7%, sans pour autant encore représenter de récession.
Les tensions mondiales pèsent sur les économies
Pour le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), de nombreux pays ont subi les effets d’anticipation face à la perspective d’éventuels droits de douane supplémentaires émanant de la politique protectionniste outre-Atlantique. Alors qu’on note une légère contraction de l’économie des Etats-Unis en raison de la forte hausse des importations, d’autres pays traditionnellement exportateurs tirent leur épingle du jeu. La Chine, le Royaume-Uni, la zone euro ou plus spécifiquement l’Allemagne, ont ainsi vu un regain d’activité économique grâce à une augmentation de la demande en provenance des Etats-Unis. Signe encourageant, l’industrie allemande a ainsi connu en mai un rebond que le Ministère de l’économie explique par un regain dans les secteurs de la production d’énergie et le secteur automobile. L’Empire du Milieu, longuement confronté à une tendance déflationniste et une consommation en berne, a vu ses prix à la consommation légèrement augmenter en juin.
L’économie suisse impactée par le climat international
Sans surprise, le climat d’instabilité sur le plan commercial international continue de péjorer les perspectives de croissance de l’économie suisse. Le Groupe d’experts de la Confédération pour les prévisions conjoncturelles revoit ses prévisions de croissance à la baisse pour 2025 (1,3% au lieu de 1,4%), et ce malgré un début d’année meilleur que prévu grâce aux bons résultats du secteur des services et des industries chimique et pharmaceutique.
L’introduction de droits de douane élevés, annoncés en avril puis mis en œuvre dès le mois août par les Etats-Unis suscitent des tensions commerciales qui pèsent lourdement sur la conjoncture helvétique. Avec pour résultat un ralentissement des secteurs de l’industrie suisse d’exportation, des répercussions sur l’utilisation des capacités de production industrielle et un fléchissement des investissements. La surtaxe douanière de 39%, nettement plus élevés que pour l’UE (15%), risque de péjorer le marché du travail suisse, avec un recours élevé au chômage partiel, voire des suppressions d’emplois dans l’industrie.
Les dépenses de consommation des ménages privés sont soutenues par un faible taux d’inflation. En mars, les prévisions d’inflation s’élevaient à 0,3%, mais selon les dernières actualisations, elles devraient plutôt atteindre 0,1%.
Enfin, la nouvelle tant attendue, et un peu redoutée, est tombée le 19 juin. La Banque nationale suisse (BNS) a procédé à un nouvel assouplissement de sa politique monétaire en abaissant son taux directeur de 25 points de base à 0%. Ce retour aux taux zéro, en raison de la faiblesse des prix et de la force du franc, marque la sixième baisse consécutive d’une détente amorcée en mars 2024.
Zoom sur Neuchâtel
Les entreprises neuchâteloises subissent également de plein fouet les différents effets dus aux tensions géopolitiques, aux nouveaux droits de douane et à la force du franc. Axée sur l’exportation, l’industrie du canton est évidemment tributaire des annonces tarifaires de Washington et les branches manufacturières paient lourdement les conséquences des nouvelles taxes douanières. Elles s’efforcent de maintenir le cap malgré un manque évident de visibilité. Ce sentiment est également reflété par une enquête conjoncturelle annuelle publiée ce printemps par la Chambre neuchâteloise du commerce et de l’industrie (CNCI). Celle-ci anticipe une année 2025 morose et une baisse du chiffre d’affaires, mettant en évidence notamment le pessimisme du secteur industriel et une faible dynamique économique.
Une économie cantonale fragilisée
Les données du Centre d’études conjoncturelles (KOF) attestent de la faible activité économique qui touche le canton depuis plusieurs mois et d’une marche des affaires qui reste morose dans l’industrie. Les perspectives pour la fin de l’année s’assombrissent encore en raison du coup de massue asséné début août par les taxes américaines, qui toucheront par ricochet les sous-traitants de la région dont les États-Unis sont le principal marché d’exportation. Plus que jamais, la résilience et l’innovation devront être les mots d’ordre de notre économie régionale.
Le chômage dans le canton a brièvement ralenti en juin après un début d’année tendu. En août, le taux est remonté à 4,6% (+0,3 point), restant supérieur aux moyennes nationale (2,8%) et romande (4,0%). Touchant habituellement à cette période de l’année plutôt les jeunes en fin de formation professionnelle, toutes les tranches d’âge sont cette fois-ci concernées par le phénomène. La pression sur le marché de l’emploi est forte en raison de l’environnement international instable.
Un rayon de soleil pour le tourisme neuchâtelois
Enfin, perspective plus réjouissante, les nuitées dans le canton de Neuchâtel se sont élevées à 30’652 en juin, principalement réalisées par des hôtes suisses (65%). Malgré une saison d’hiver en recul par rapport au reste de la Suisse, on observe une hausse (8,7%) en regard de l’année dernière à pareille époque. Les prochaines statistiques nous diront si l’attractivité croissante et durable de la région, associée à une arrière-saison favorable, permettra d’égaler les chiffres record de l’été 2020.
Une version de cet article a été publiée dans le Bulletin conjoncturel du Canton de Neuchâtel