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«Nous maintenons un positionnement prudent sur les actions»

Economie

13.02.2023, par Stéphanie Guillod, responsable Private Banking Montagnes et Vallées et Victor Vogt, responsable de l’Asset Management

Alors que l’année 2022 n’a offert aucun refuge pour les investisseurs, le ralentissement de l’inflation, le fait que la pénurie énergétique soit moins préoccupante et la réouverture de la Chine devraient offrir quelques opportunités cette année

L'année 2022 restera gravée comme l'une des pires de l'histoire des marchés financiers. A l’exception des matières premières, toutes les classes d’actifs ont terminé l’exercice en territoire négatif. C’est surtout les marchés obligataires (-16% au niveau global), censés atténuer les mouvements au sein d’un portefeuille, et immobiliers (-15% en Suisse) qui se seront distingués avec des records en terme de contre-performance. On relève d’ailleurs que l’effet de diversification n’a pas fonctionné. En effet, une baisse simultanée des grandes classes d’actifs (actions, obligations, immobilier coté, or, etc.) est un phénomène extrêmement rare. Celui-ci  a été déclenché par les évènements géopolitiques du début d’année qui sont venus exacerber des tensions inflationnistes déjà bien présentes, poussant les banques centrales à démarrer un des cycles de hausse de taux les plus agressifs de l’histoire.

Quels sont les éléments clés à observer en 2023? 
Il est difficile d’aborder 2023 sans évoquer le ralentissement de la croissance mondiale. Si la récession semble quasi certaine au Royaume-Uni, elle devrait être évitée en Europe grâce à la détente sur le front énergétique. Aux Etats-Unis, même si les derniers indicateurs avancés témoignent d’un recul de l’activité, le scénario d’un atterrissage en douceur reste valable, soutenu par la vigueur du marché de l’emploi. L’économie suisse ralentira de concert avec la conjoncture mondiale mais devrait pouvoir éviter la récession grâce au dynamisme de la consommation. L’exception, comme souvent, sera la Chine où l’abandon de la stratégie zéro Covid devrait permettre à la croissance de se redresser. Dans l’ensemble, selon le Fonds Monétaire International, l’économie mondiale devrait croître de 2,9% en 2023, contre 3,4% en 2022.

Vers une pause dans le resserrement monétaire? 
La principale question pour 2023 est de savoir si les pressions inflationnistes s’atténueront suffisamment pour permettre aux banques centrales de marquer une pause dans le resserrement monétaire, voire d’envisager un premier assouplissement. Nous sommes d’avis que l’inflation diminuera en cours d’année: d'une part, les prix des matières premières et du transport (par exemple le fret) semblent avoir passé le pic, et d'autre part, les goulets d'étranglement sur les chaînes d'approvisionnement commencent à se dissiper. Malgré cette détente, l’inflation devrait se maintenir à des niveaux élevés en raison de la baisse moins rapide des prix dans le secteur des services (par exemple les loyers) et des revalorisations salariales. 
Dans ce contexte, les banquiers centraux poursuivront leur resserrement monétaire, mais à un rythme moins soutenu qu’en 2022. Le marché s’attend à ce que le taux directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed) culmine vers les 5% (contre 4,75% actuellement) d’ici au deuxième semestre. Le taux européen devrait quant à lui plafonner autour des 3,5% (contre 2,5% actuellement). En Suisse, la Banque Nationale Suisse pourrait encore relever ses taux et les amener à 1,25%, voire 1,5% d’ici à la fin de l’année (contre 1% actuellement).

Comment sommes-nous positionnés? 
Dans cet environnement, nous maintenons un positionnement prudent sur les actions. Nous privilégions donc le marché suisse pour son caractère défensif, l'Europe pour sa valorisation attractive et les pays émergents qui profitent de la réouverture chinoise. Tant que les banques centrales chercheront à combattre l’inflation sans se préoccuper de la dégradation de l’économie, le potentiel de hausse des actions restera limité. De plus, les tensions géopolitiques sont toujours présentes (Ukraine, Taiwan) et constituent un risque latent non négligeable pour les marchés. A l’opposé, la situation s’est détendue sur certains fronts. D’un côté l’inflation ralentit, et de l’autre, la tant redoutée crise énergétique en Europe est moins grave que prévue (à l’image des stocks de gaz européens, remplis à plus de 70%). Sans oublier que l’abandon de la politique zéro Covid en Chine apportera un soutien à l’économie et au commerce international. 

Regain d’intérêt pour les obligations
En revanche, l’environnement est devenu nettement plus favorable aux obligations suite à la forte hausse des rendements en 2022. En Suisse par exemple, nous retrouvons déjà des rendements proches de 2% pour des émetteurs de bonne qualité. A ces niveaux, les rendements des obligations à long terme devraient se stabiliser voire légèrement fléchir en raison de la baisse simultanée des taux d’inflation et des indicateurs conjoncturels. Dans ce contexte, il nous paraît opportun de continuer à rallonger la duration du portefeuille via des emprunts de bonne qualité en CHF et en USD. 

Enfin, dans le segment des alternatifs, nous sommes neutres. Le rapport rendement/risque sur l’immobilier est à l’équilibre. D’un côté, le segment profite de facteurs positifs comme l’immigration, les taux de vacance bas et une construction insuffisante. De l’autre côté, la demande des investisseurs, notamment institutionnels, s’est tarie en raison notamment du différentiel de rendements avec les obligations.