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«Le politique se réimpose dans les échanges économiques»

Economie

13.02.2023, par Marie-Laure Chapatte, responsable Communication & Pôle économique

Lors d’une conférence donnée dans le cadres des Perspectives 2023 de la BCN, Stéphane Garelli, professeur émérite de l’IMD et de l’Université de Lausanne, a humblement avoué qu’il était très difficile de faire des projections. Mais quelques grands thèmes vont jalonner 2023. Voici les points saillants, selon cet expert de la compétitivité.

Se dirige-t-on vers une récession?

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Stéphane Garelli
Stéphane Garelli: Honnêtement, on n’en sait rien. Et d’une semaine à l’autre, les prévisions évoluent. Par leurs interventions musclées, les banques centrales prennent le risque d’une récession pour tuer l’inflation. Si cela devait se produire, ce serait alors la sixième récession que je vivrais, mais c’est bien la première fois que ça se passe ainsi.

La réouverture de la Chine, bonne ou mauvaise chose?

La sortie de la politique zéro Covid a des effets positifs, car les Chinois vont recommencer à voyager et à consommer. Pour l’industrie horlogère et le canton de Neuchâtel, c’est par exemple un signal encourageant puisqu’ils sont friands de garde-temps helvétiques. A contrario, l’impact sur le prix des matières premières se révélera important. Avec l’arrivée du triste anniversaire du conflit en Ukraine, les incertitudes sont nombreuses. Et quand les gens sont inquiets, on voit notamment le prix de l’or qui remonte.

L’inflation reste-t-elle préoccupante?

Le taux d’inflation de l’Allemagne a été supérieur à celui de la Grèce. Qui eut cru que le renchérissement dépasserait les 8% chez nos voisins? Disons que les coûts élevés dans l’économie vont se maintenir. Avec la spirale qui s’en suit : le coût de la vie augmente, la pression sur les salaires se renforce et on obtient une inflation collante. Celle-ci ne redescend plus vraiment parce qu’elle est alimentée par d’autres éléments. Une entreprise pourra par exemple systématiquement majorer son devis de 10% en prévision de la hausse des prix, alimentant ainsi la flamme de l’inflation.

Faut-il sortir de la dépendance?

Avec ces crises successives, les entreprises cherchent à diversifier leurs approvisionnements, la disponibilité de composants ayant parfois surpassé la question des coûts. Mais on passe d’une dépendance à une autre. Prenez le tungstène, un matériau central dans la confection de tank. L’Union européenne est largement dépendante de la production chinoise et voit traditionnellement le tungstène transiter par la Russie. Vous voyez le problème avec le conflit actuel?

Le politique signe-t-il son grand retour?

Avant, quand vous aviez un souci, vous pouviez faire appel à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour le résoudre. Aujourd’hui, les pays décident quelle entreprise a accès à son marché intérieur, le monde politique se réimpose dans les échanges économiques. C’est un défi pour la Suisse, qui se trouve affaiblie en raison de la « faiblesse » de son gouvernement. Heureusement, notre économie reste incroyablement diversifiée, aussi bien d’un point de vue de l’industrie que de la géographie. Nous n’avons pas de canton pauvre, seulement des cantons moins riches. Mais attention, quand on regarde les entreprises du SMI, on voit qu’elles sont là depuis très longtemps. J’aimerais vraiment qu’on réussisse à transformer de jeunes pousses en entreprises florissantes.