Inflation, franc fort, croissance: quel scénario pour 2026?
L’année écoulée a été riche en mouvements pour la politique monétaire suisse: inflation, franc fort, conjoncture internationale… autant d’éléments qui ont influencé les décisions de la BNS concernant son taux directeur.
À l’heure où se dessinent les premières perspectives pour 2026, nous faisons le point avec Fabio Muccigrosso, Responsable Trésorerie & Négoce, afin de comprendre ce qui a motivé les ajustements de cette année et ce que pourraient être les prochaines étapes.
Comment analysez-vous la trajectoire récente du taux directeur de la BNS et les signaux envoyés par la banque centrale pour 2026?
Fabio Muccigrosso: Cette année, la Banque nationale suisse (BNS) a poursuivi le cycle d’assouplissement monétaire entamé en 2024, ramenant son taux directeur à 0%. Pour 2026, plusieurs éléments laissent penser que l’institution privilégiera le statu quo.
Certes, l’inflation se situe actuellement à un niveau extrêmement bas (+0,1% en octobre), mais les projections restent légèrement orientées à la hausse : +0,2% pour 2025, puis +0,5% pour 2026. Cette trajectoire, qui demeure dans la cible de l’objectif de stabilité des prix (entre 0 et 2%), confirme la confiance de la BNS dans sa politique actuelle et l’absence de nécessité immédiate d’ajuster son taux directeur.
La communication de la banque centrale va dans le même sens. Son président, Martin Schlegel, a rappelé à plusieurs reprises que les conditions pour un retour aux taux négatifs demeurent élevées, notamment en raison des effets secondaires indésirables sur les épargnants. Si cette option ne peut être totalement exclue en cas de détérioration marquée de la conjoncture, elle ne constitue pas notre scénario de référence.
Par ailleurs, la signature récente d’un accord commercial avec les Etats-Unis réduit le risque d’un tel évènement. Enfin, la courbe des taux suisse reflète également des anticipations de stabilité pour les prochains trimestres. L’ensemble de ces facteurs nous indique que le maintien du taux directeur à 0% apparaît aujourd’hui comme l’issue la plus probable en 2026.
Quels sont, selon vous, les principaux facteurs qui influenceront les décisions futures de la BNS en 2026?
Le principal déterminant des décisions de la BNS reste l’évolution de l’inflation. Bien que le renchérissement devrait légèrement progresser au cours des trimestres à venir, il devrait demeurer dans le bas de la fourchette cible de 0 à 2%.
Plusieurs éléments contribuent à maintenir une inflation modérée en Suisse, notamment la force du franc, qui exerce une pression baissière sur les prix des importations. Depuis mars, la devise helvétique s’est appréciée de 4% face à l’euro et de 9% face au dollar, ce qui n’est pas anodin.
D’autres facteurs macroéconomiques entreront également en ligne de compte. La résilience de l’économie suisse face aux incertitudes globales ou encore le différentiel de taux d’intérêt par rapport à la zone euro, qui influence directement les flux de capitaux et, par conséquent, le taux de change du franc.
Quelles conséquences observe-t-on sur le marché des changes?
Le maintien du taux directeur à 0%, dans un contexte où les taux à l’étranger demeurent plus élevés, pourrait exercer une pression à la baisse sur le franc. Toutefois, l’attrait de la devise suisse en tant que valeur refuge tend à contrebalancer cet effet, encourageant les entrées de capitaux et soutenant son cours.
Dans ce cadre, la BNS reste attentive et prête à intervenir sur le marché des changes si le franc venait à s’apprécier de manière trop rapide ou excessive.
La Suisse pourrait-elle continuer à afficher une croissance supérieure à celle de la zone euro malgré le franc fort?
Historiquement, l’économie suisse s’est distinguée par sa résilience, notamment grâce à la spécialisation de ses industries dans des segments à très haute valeur ajoutée.
Cette dynamique se vérifie une nouvelle fois : la croissance actuelle est portée par les excellentes performances du secteur pharmaceutique, qui compense la faiblesse conjoncturelle touchant l’horlogerie et l’industrie des machines. Pour 2026, les analystes anticipent une croissance du PIB suisse de 1,2%, un chiffre légèrement supérieur à celui prévu pour la zone euro (1%).
Quelle conséquence pour les taux d’intérêt hypothécaires?
Dans la mesure où aucun ajustement du taux directeur de la BNS n’est attendu de notre part, la baisse des taux hypothécaires observée depuis fin 2022 devrait toucher à sa fin. Ceux-ci pourraient même remonter dans les prochains mois, à mesure que les anticipations de nouvelles baisses de taux s’estompent et que l’économie montre des signes de stabilisation.