Stablecoins: un nouvel acheteur massif de dette américaine
La dette américaine atteint un niveau inédit hors temps de guerre fragilisant la crédibilité du dollar. L’endettement colossal, le déficit primaire conséquent et la baisse de la demande étrangère obligent aujourd’hui les Etats-Unis à offrir des taux d’intérêt plus élevés pour attirer des capitaux. Les seuls intérêts de la dette ont atteint 949 milliards de dollars ce qui dépasse même le budget de la défense. En octobre, les Etats-Unis ont perçu 404 milliards de dollars de recettes fiscales dont plus de 100 milliards ont été consacrés au paiement des intérêts de la dette. Autrement dit, près d’un quart des revenus fiscaux ont été absorbés par le service de la dette. Ils pourraient bientôt devenir le premier poste de dépenses fédérales.
L'essor stratégique des stablecoins
C’est dans ce contexte qu’ont émergé les stablecoins. Ces jetons numériques, indexés sur le billet vert, permettent aux investisseurs en cryptomonnaies de gagner une exposition en dollar sans quitter la blockchain. Ils offrent également un accès facile à la devise dans des pays comme l’Argentine, la Turquie ou le Nigeria où la monnaie locale s’effondre. Cette adoption mondiale a créé un phénomène inédit: chaque jeton étant garanti par un dollar réel, les émetteurs se retrouvent parmi les plus grands acheteurs de dette américaine.
Tether, l’opérateur le plus important, détient aujourd’hui environ 127 milliards de dollars de bons du Trésor américain. Circle, en détient près de 74 milliards. Du pain béni pour un Trésor américain qui a grandement besoin de financement. Le Congrès a acté cette réalité avec le «Genius Act» qui impose à tout émetteur de stablecoin de détenir des réserves en dollars et en dette américaine. Washington confie ainsi la monnaie numérique adossée au dollar au secteur privé, contrairement à l’Europe qui développe un euro numérique public.
Limites et risques du modèle
Ce système n’est pas sans risques: la baisse des rendements des bons du Trésor pénalise les dépôts bancaires et le crédit privé, tandis que le dollar retrouve une influence dans des zones où son accès était limité. Les stablecoins ne règlent pas le problème d’une dette américaine qui ne se rembourse pas. Ils offrent simplement de nouveaux acheteurs. À moyen terme, seule une dépréciation contrôlée du dollar pourrait alléger la charge des intérêts. Et contrairement au bitcoin ou encore à l’or, des actifs rares et indépendants de tout système de dette, les stablecoins restent attachés à une monnaie imprimable à l’infini.
Une version de cet article a été publiée dans ArcInfo.