La BCN Actualites et medias Actualités Morosité naissante autour du bras de fer commercial entre les Etats-Unis et la Chine

Morosité naissante autour du bras de fer commercial entre les Etats-Unis et la Chine

Economie

18.09.2018, par Michelle Monnier, conseillère Private Banking

S’il est difficile de chiffrer les conséquences de la montée du protectionnisme, les effets d’annonce pèsent déjà sur le moral des investisseurs 

«Fabriquez vos produits aux Etats-Unis au lieu de la Chine. Commencez à construire de nouvelles usines dès aujourd'hui!» Voilà le récent conseil de Donald Trump aux dirigeants d’Apple. Le président américain ne joue pas la carte de l’apaisement. Les bourses mondiales commencent de s’essouffler suite à la décision de ce dernier d’imposer, dans un premier temps, des tarifs douaniers sur 50 milliards de dollars de marchandises en provenance de la Chine. Ce lundi, Donald Trump a annoncé l'insturation de taxes sur 200 milliards de dollars de marchandises supplémentaires.  

Si l’indice MSCI World continue d’afficher une performance appréciable grâce aux Etats-Unis, les marchés des autres économies avancées sont à la traîne. Les conséquences de cette montée du protectionnisme sont particulièrement visibles dans les marchés émergents, Asie du Sud et Chine en tête, où les reculs ont parfois été sévères.

L’humeur morose qui affecte les bourses depuis quelques semaines provient de l’incertitude qui prévaut au sein des investisseurs. Ceux-ci se posent clairement cette question: dans quelle mesure le bras de fer commercial qui s’éternise entre les deux puissances pourrait affecter la croissance mondiale?

Où la valeur est-elle créée?

Hormis le fait qu’il est impossible de savoir quels seront les droits de douane et les restrictions aux échanges qui seront introduits, une estimation des conséquences sur l’économie mondiale n’est guère aisée.  Le Fonds monétaire international a récemment confirmé s’attendre à une croissance de l’ordre de 3,9% cette année, tout en évoquant que la montée du protectionnisme pourrait coûter 0,5% du produit intérieur brut d’ici à 2020.

Mais l’extrême complexité des liens entre les différents pays rend difficile une estimation des impacts potentiels. En effet, les chaînes de valeurs croisées se sont nettement développées ces dernières années au gré de la globalisation. Ainsi, les exportations et importations brutes donnent une image biaisée de la réalité, ne permettant pas à elles seules de dire dans quels pays la valeur est concrètement créée. De plus, une dégradation continue de l’humeur ambiante sur les marchés pourrait avoir des répercussions indirectes plus importantes sur la croissance que les effets directs eux-mêmes. Pensons à une réduction de l’investissement, par exemple.

Report sur les consommateurs

Quid des effets déjà visibles? Si jusqu’à présent les mesures protectionnistes n’ont eu qu’un impact limité sur les échanges commerciaux, les tarifs américains sur l’acier et l’aluminium ont toutefois augmenté les coûts pour les entreprises importatrices. Aux Etats-Unis par exemple, de nombreuses sociétés industrielles, comme Whirlpool et Alcoa, ont déjà fait état de coûts plus élevés pour les métaux et les produits dérivés au deuxième trimestre. Le géant de l’automobile General Motors a quant à lui récemment abaissé ses perspectives pour la fin d’année en raison d’une hausse «significative» du prix des matières premières.
La plupart de ces entreprises ont d’ores et déjà averti qu’elles allaient tantôt transférer cette hausse des coûts des matières premières aux consommateurs finaux. Ainsi, l’économie américaine, et notamment la demande intérieure, pourrait être la première victime du fameux «America First», alors même que Donald Trump a pour but de la protéger.

Finalement, bien que les Etats-Unis et le Mexique soient parvenus à un accord sur le commerce en Amérique du Nord, cela ne garantit pas un cessez-le-feu entre la Chine et les Etats-Unis. Comme en témoigne l'annonce de lundi, le président Trump semble déterminé à imposer des taxes supplémentaires sur les marchandises en provenance de Chine. Jusqu'où ira-t-il? Ce mardi, Pékin a lancé une première riposte en annonçant à son tour l'imposition de nouveaux droits de douane punitifs sur des produits américains représentant 60 milliards de dollars. Le bras de fer se durcit.