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La politique monétaire, cet art si subtil

Economie

14.02.2023, par Marie-Laure Chapatte, Responsable Communication et Pôle économique

Il y une année, nous titrions ce bulletin conjoncturel: «Retour à la normale en 2022?». Heureusement qu’il y avait un point d’interrogation à ce commentaire, car l’année écoulée, soyons honnête, ne s’est pas déroulée selon les plans.

Alors que l’inflation s’annonçait comme passagère et les goulets d’étranglements auraient dû se résorber au fil des mois, l’éclatement du conflit entre l’Ukraine et la Russie est venu exacerber ce renchérissement. Les banquiers centraux ont alors sorti l’artillerie lourde pour relever leur taux d’intérêt à un rythme effréné, réalisant le resserrement monétaire le plus agressif de l’histoire. 

2 visions possibles

Aujourd’hui, comment faut-il voir le verre des perspectives 2023 ? A moitié vide si l’on considère que la réaction des banques centrales est exagérément musclée, que les tensions géopolitiques vont s’intensifier et que l’inflation sera structurellement plus élevée. A moitié plein si l’on observe la réouverture de la Chine - après des mois de politique zéro Covid, la locomotive redémarre - la détente sur le front énergétique et le ralentissement actuel de l’inflation. 

Une économie résiliente

Le mot récession était encore sur toutes les lèvres en fin d’année, mais il s’éloigne gentiment. En effet, les dernières prévisions montrent une très bonne résilience de l’économie et des entreprises, notamment grâce à une consommation et un investissement privés plus forts que prévu. 

Une croissance attendue pour 2023

Selon le Fonds monétaire international (FMI), le produit intérieur brut (PIB) mondial devrait croître de 2,9% en 2023. Les nuages se sont dissipés sur plusieurs économies développées, comme aux Etats-Unis par exemple, où la croissance pourrait s’élever à 1,4% sur l’année. Nos voisins, comme l’Allemagne ou l’Italie, devraient également se situer en territoire positif, seule la Grande-Bretagne pourrait entrer en récession. 

Suisse

En Suisse, les experts du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) tablent sur une progression de l’économie helvétique de 1%, même si la principale crainte d’une pénurie énergétique s’éloigne, y compris pour l’hiver prochain. L’indice suisse des directeurs d’achat (PMI) pour le secteur manufacturier a glissé juste en-dessous du seuil de croissance, fixé à 50 points. L’indice synthétique désaisonnalisé proposé par le KOF confirme cette tendance, là où les services semblent clairement mieux orientés en ce début d’année 2023. Alors que les Suissesses et les Suisses pourraient être déstabilisés par ces nouveaux paradigmes et l’érosion de leur pouvoir d’achat, ils bénéficient d’une situation de quasi plein emploi. De plus, ils continuent à consommer.   

Pour alimenter la dynamique économique globale, les entreprises devraient également poursuivre leurs investissements, même si les conditions de crédit se sont notablement durcies. Ainsi, le rôle des banques centrales sera décisif ces prochains mois. Début février, la Banque centrale européenne a affiché sa détermination sans faille à lutter contre l’inflation en relevant à nouveau ses taux directeurs. Mais jusqu’à quand ? La Réserve fédérale américaine s’est montrée plus mesurée le 1er février, en appliquant une hausse de taux de 0,25 % seulement. La politique monétaire constitue décidément un art subtil, à mettre en œuvre avec doigté. 

Neuchâtel 

Dans le canton de Neuchâtel, le principal obstacle à la production industrielle réside dans la pénurie de main-d’œuvre, selon l’enquête conjoncturelle du KOF. Depuis un an, la dégradation est très marquée sur ce front et les solutions à mettre en œuvre rapidement ne sont pas aisées.  Cette difficulté à recruter n’a pas empêché l’indice synthétique désaisonnalisé du KOF de poursuivre sa hausse, la marche des affaires à six mois restant également bien orientée. 

Une horlogerie imperturbable

Le tic-tac des montres suisses semble imperméable au climat inflationniste et aux tensions géopolitiques mondiales : l’an dernier, les exportations horlogères helvétiques ont battu un nouveau record en dépassant pour la première fois la barre des 24 milliards de francs, selon les chiffres publiés par la Fédération de l’industrie horlogère suisse. Bonne nouvelle, la branche devrait poursuivre sur cette dynamique positive en 2023. 

Deux facteurs principaux soutiennent cette croissance. Premièrement, la résilience de l’économie américaine, principal marché d’exportation pour les garde-temps helvétiques et deuxièmement, la réouverture de la Chine, où le rebond de la croissance est attendu à 5,2% estime le FMI.

Un canton ouvert sur le monde

Comme Neuchâtel est le canton romand le plus ouvert sur le monde, il devrait à nouveau tirer son épingle du jeu. En effet, le poids de ses branches tournées vers l’extérieur est de quelque 64%, contre 53,7% en moyenne en Suisse romande. C’est ce que relevait la 15e étude sur le PIB romand publiée par les six banques cantonales romandes, en collaboration avec le CREA.
Selon ce dernier institut, la croissance neuchâteloise devrait toutefois marquer quelque peu le pas en 2023. En effet, d’autres secteurs verront leur dynamique décélérer, comme l’immobilier, influencés par la remontée des taux d’intérêt et donc des conditions de financement.