«Investir pour sortir des énergies fossiles est aujourd'hui pertinent»
Après l’enveloppe des bâtiments, le renouvellement des chauffages figure parmi les actions à entreprendre par les propriétaires pour accroître la qualité et la valeur de leur bien. Pour Mickaël Guichard, responsable de l’assainissement énergétique des bâtiments chez Planair, un bureau de conseils romand basé à La Sagne, les nouvelles lois en discussion vont renchérir les énergies fossiles. Pour cet expert, c’est le moment de s’en passer.
Pendant longtemps, l’isolation thermique des bâtiments constituait la priorité lors de l’assainissement énergétique d’un bâtiment. Aujourd’hui, avec la vaste campagne «Chauffez renouvelable», on a franchi une étape ?
Mickaël Guichard: il reste évidemment beaucoup à faire dans l’isolation mais effectivement, il est pertinent de s’attaquer aujourd’hui aux chauffages. Dans le canton de Neuchâtel, les énergies fossiles, sont très présentes avec un parc qui est chauffé à plus de 80% au mazout et au gaz, soit quelques 18 points au-dessus de la moyenne suisse. Cette problématique concerne donc beaucoup de propriétaires dans notre canton.
Et quelle est la première question que le propriétaire vous pose lorsqu’il souhaite se passer des énergies fossiles ?
Quel est le meilleur système ? Il n’y a pas de réponse toute faite à cette question. La localisation du logement, le niveau d’isolation, mais également les habitudes des utilisateurs, leur volonté de surveiller leur système ou de déléguer l’exploitation font partie des critères qui peuvent amener à diverses solutions. Si l’on prend l’exemple du bois, les fournisseurs de pellets locaux sont un atout, mais il est nécessaire de prévoir un stockage dans les locaux. Pour les pompes à chaleur air/eau, l’altitude et le brouillard, deux caractéristiques de certaines régions du canton, peuvent péjorer les rendements. Pour une pompe à chaleur géothermique, les restrictions sont multiples et pour le chauffage à distance, qui constitue également une bonne solution, il faut y avoir accès. L’accompagnement d’un spécialiste est donc nécessaire.
Voyez-vous une accélération des demandes qui vont dans ce sens ?
Pas une accélération, mais les demandes sont importantes, y compris en mars et avril 2020, mois marqués par la crise Covid-19, ce qui montre l’importance de cette thématique.
La rentabilité figure-t-elle en tête des préoccupations ?
Oui, mais il serait erroné de mettre en rapport le seul coût d’investissement d’une installation par rapport aux seuls coûts d’exploitation pour déterminer cette rentabilité. Si le prix du pétrole a récemment reculé, il ne faut pas oublier que les futures lois en discussion, aussi bien sur le plan fédéral que cantonal, vont entraîner des renchérissements des énergies fossiles ou limiter leur utilisation. Ce contexte, combiné aux programmes d’aides en cours, rend aujourd’hui pertinent un investissement visant à sortir des énergies fossiles.
Et puis il y a également d’autres facteurs déterminants…
Qui sont rarement pris en compte dans les calculs initiaux. On peut par exemple penser à l’impact sur la valeur du bien. De plus en plus de propriétaires de parcs immobiliers demandent les étiquettes énergétiques CECB de leurs bâtiments afin de les inclure dans la valorisation. Auparavant cette requête était uniquement liée aux travaux qu’ils souhaitaient entreprendre. Les avantages fiscaux se révèlent également particulièrement importants et peuvent représenter des montants plusieurs fois supérieurs aux subventions directes obtenues.
Sur ces questions d’aide et de fiscalité, comment se situe le canton par rapport aux autres?
Au niveau du Programme Bâtiments, je dirais qu’il est dans la moyenne. Certains cantons sont plus généreux, d’autres moins. En revanche, Neuchâtel est bien positionné au niveau de la fiscalité dans le sens où l’on peut louer sa transparence. Il existe une documentation claire des déductions possibles. Seule petite ombre : certains travaux d’assainissement énergétique sont susceptibles d’augmenter la valeur cadastrale, ce qui n’est pas systématiquement le cas chez nos voisins.
Quel est l’horizon temps que vous prenez pour effectuer vos calculs ?
Un scénario d’assainissement énergétique, qui va donc au-delà du seul remplacement du chauffage, se base traditionnellement sur une durée de 25 ans. En tenant compte de l’ensemble des paramètres économiques (impact sur la valeur, l’attractivité, les loyers, les subventions et la fiscalité entre autres), nous obtenons d’excellents rendements. Vu l’environnement attractif des taux d’intérêt, le moment est propice à lancer ce type de projet.
Pour les PPE, cela semble plus compliqué, car il faut unir les propriétaires autour d’un projet. C’est également ce que vous constatez ?
Un seul propriétaire réfractaire peut en effet constituer un frein majeur pour l’ensemble de la PPE. Le fait que les étiquettes énergétiques CECB aient été rendues obligatoires pour les anciens bâtiments de cinq logements ou plus a permis de mettre en évidence certains potentiels, mais je constate encore que trop de propriétaires ont une vision erronée, positive ou négative, de l’état réel de leur bâtiment. Un état des lieux bien en amont est indispensable pour prioriser judicieusement les actions et planifier l’avenir, en adaptant par exemple le fond de rénovation de la PPE si besoin.